Alfred Spigarelli : « Mon objectif premier au sein d’ALATIS est de faire bénéficier mes confrères du réseau et nos clients de mon expérience « de l’autre côté du droit des brevets » »

Alfred Spigarelli

Alfred Spigarelli intègre en qualité d’associé le réseau paneuropéen d’experts de la propriété intellectuelle ALATIS.

Quel événement dans votre carrière vous a le plus touché ?

Les trois décennies que j’ai passées à l’Office Européen des Brevets ont été une succession de challenges professionnels. Mais l’évènement le plus marquant de ma carrière restera le projet « Raising the Bar ». Avec mon équipe d’experts pluridisciplinaires de grand talent, nous avons mené à bien une réforme majeure de la Convention sur le Brevet Européen. Nous avons modifié et créé plus d’une trentaine de dispositions légales du règlement d’exécution de la CBE qui ont transformé en profondeur la procédure de délivrance des brevets européens. L’objectif de ce projet était de répondre à deux besoins fondamentaux :

Apporter le maximum de sécurité légale dès le début de la procédure pour les demandeurs de brevet et les tiers afin que les quelques années nécessaires à l’obtention d’un brevet ne deviennent pas une longue période d’incertitude ; Prendre conscience que la qualité des brevets délivrés par l’OEB est l’affaire de tous, et en première ligne des demandeurs de brevet et de leurs conseils.

Ma volonté a été d’impliquer tout au long de ce projet les associations de représentant de l’industrie et des conseils en propriété industrielle européens et des principaux pays hors Europe utilisateurs du système des brevets européens. Ce fût primordial pour obtenir le bon équilibre entre les utilisateurs du système, les tiers et l’OEB car cette réforme de la CBE a profondément changé la façon de travailler des examinateurs à l’OEB et des mandataires européens.

Quels sont vos objectifs au sein d’ALATIS ?

Mon objectif premier au sein d’ALATIS est de faire bénéficier mes confrères du réseau et nos clients de mon expérience « de l’autre côté du droit des brevets ». Avant d’accéder à des postes de responsabilité à l’OEB, j’ai été longtemps un examinateur et j’ai contribué à en former un grand nombre. Ensuite, j’ai été responsable des directives qui régissent le travail des examinateurs à l’OEB. Cette expérience me permet souvent d’anticiper le déroulement des procédures dont j’ai la charge, et ainsi d’arriver au plus vite et à moindre coût à la décision escomptée, ou de réagir rapidement de manière décisive en cas d’imprévu. Il est tellement plus confortable de défendre le cas d’un client en procédure orale devant une division d’examen ou d’opposition lorsqu’on se sent presque chez soi à l’OEB.

Avec quels types d’entreprises et de personnes êtes-vous amenés à travailler ?

Comme pour beaucoup de mes confrères, je travaille principalement avec deux types d’organisations. Une catégorie d’interlocuteurs sont les ingénieurs brevets de l’industrie, qu’ils soient rattachés à des services juridiques ou à des services de R&D. Je traite aussi fréquemment des affaires qui me sont confiées par des confrères américains, dont les clients souhaitent étendre leurs brevets en France et en Europe.

Une des raisons pour laquelle ils font appel à mes services est que j’ai mis en œuvre à l’OEB des dispositifs de procédure innovants, permettant aux entreprises d’obtenir une protection internationale de leurs inventions à moindre coût et sans compromis sur les prestations rendues et la qualité des titres obtenus. Alors que ce service a été initialement conçu pour des demandeurs de brevet dont l’office national soustraite ses recherches d’antériorités à l’OEB, comme en France, ce sont, pour l’instant, de grandes entreprises aux États Unis qui le testent à grande échelle.

Pouvez-vous expliquer et détailler quels sont les dispositifs innovants que vous avez développés ? (et comment ont-ils été pensés ?)

J’ai contribué à mettre en place à l’OEB une procédure spécifique pour ceux qui souhaitent utiliser l’OEB comme administration de la recherche dans le cadre du PCT et dont la demande première a également été recherchée par l’OEB. C’est la procédure dite « PCT Direct » en vigueur à l’OEB depuis 2016 et, entretemps reprise par d’autres offices nationaux comme en Israël.

Ainsi dans le cadre de cette procédure, une demande de brevet PCT, dont la recherche d’antériorité initiale a été faite par l’OEB, bénéficie d’un traitement spécifique par l’OEB qui permet de l’optimiser afin qu’à l’issu de la procédure internationale, elle soit dans un état proche d’être brevetée dans les pays désignés. Ainsi, un demandeur de brevet peut utiliser l’OEB comme hub unique avec un seul représentant pour accéder aux brevets nationaux dont il a besoin en faisant des économies substantielles et avec la possibilité de raccourcir significativement les différentes procédures d’examen après la phase internationale. J’ai imaginé cette procédure en combinant les résultats de la coopération entre les principaux offices des brevets, les avantages de la procédure PCT et l’excellente réputation dont jouit l’OEB au niveau international. Néanmoins, comme l’expérience l’a montré, pour optimiser les résultats de cette procédure, il faut faire preuve d’une très grande maitrise de la procédure PCT et des procédures à l’OEB.

Propos recueillis par Emma Valet

Source : Le Monde du Droit