La propriété intellectuelle comme acteur du développement durable

La propriété intellectuelle comme acteur du développement durable

La propriété intellectuelle continue d’innover sur bien des aspects nous prouve de nouveau son aptitude à évoluer en accord avec les problématiques de son époque.  C’est notamment en termes de développement durable qu’elle s’illustre par une participation active en vue de réaliser ces objectifs.

En ce sens, l’Organisation des Nations Unies avait mis en place le 25 septembre 2015 les « 17 Objectifs de Développement Durable » (ODD) consistant en un programme appliqué à l’horizon 2030 et qui comprend notamment des considérations d’ordre écologique.

En effet, les préoccupations environnementales se sont accrues encore récemment suite au rapport du Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC) en date du 4 avril 2022 portant sur la nécessité de limiter le réchauffement climatique à 1.5 degré maximum d’ici 2025.

Cependant pas d’amalgame ! La notion de développement durable intègre toute une série de mesures sociales, environnementales, sanitaires ou encore économiques, mais c’est tout particulièrement la volonté de la propriété intellectuelle de réduire de l’impact environnemental que nous souhaitons mettre en lumière.

La propriété intellectuelle, ses acteurs et les institutions qui la représentent avaient d’ailleurs déjà su prendre le train en marche par des mesures visant à réaliser ces objectifs, l’innovation et la création étant nécessaire à leur accomplissement.

Des solutions permettent ainsi de contribuer à réduire l’impact environnemental notamment dans toutes les branches de la propriété intellectuelle. Elle s’illustre principalement en droit des marques et droit des brevets.

La multiplication de marques en accord avec le développement durable.

Les entreprises ont intégré dans l’analyse des enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) des critères environnementaux qui mesurent l’impact direct ou indirect de l’activité de l’entreprise sur l’environnement.

En effet, ces dernières ont constaté que le consommateur moyen tendait de plus en plus à choisir et à se fidéliser aux marques éthiques respectueuses de l’environnement.

En ce sens, l’institut de sondage Ipsos réalisait en septembre 2019 une étude portant sur « les français et la mode durable » en mettant en lumière que 65% des personnes interrogées considéraient l’engagement des marques comme un critère de choix important dans leurs actes achat.  Les sociétés titulaires ont donc rapidement adapté leur stratégie en intégrant un aspect durable à la marque.

La fonction de la marque est essentiellement de garantir l’origine d’un produit, soit permettre d’en connaitre la provenance et ainsi d’éviter toute confusion dans l’esprit du consommateur. La fonction de la marque et l’accroissement du nombre de marques en faveur du développement durable et plus spécifiquement de l’écologie semblent donc liées, cette première permettant au consommateur de porter son choix sur des marques en accords avec ses valeurs.

Dans cette continuité, le législateur a également créé un outil spécial :  la marque de garantie. Définie à l’article L715-1 du Code de la propriété intellectuelle, cette marque permet de « distinguer les produits ou les services pour lesquels la matière, le mode de fabrication ou de prestation, la qualité, la précision ou d’autres caractéristiques sont garantis. ». C’est donc ici une garantie que le produit contient des caractéristiques et des qualités spécifiques ou encore qu’il bénéficie d’une certification propre à favoriser le développement durable.

Cette marque est par ailleurs exploitable par tout individu qui en respecte les spécificités. C’est le cas par exemple des labels « AB » (agriculture biologique) qui sont apposables sur les produits non issus de la chimie de synthèse.

La France et la Suisse sont par ailleurs les seuls pays à proposer ce type de titre.

De même, la durabilité de la marque peut s’étendre jusqu’au tiers. En effet, dans le cadre d’une licence de marque, le titulaire de la marque peut exiger que le licencié respecte les objectifs que le titulaire s’est lui-même fixé. L’aspect écologique d’une marque n’affecte donc pas uniquement son titulaire mais également les tiers.

La marque n’a plus seulement comme fonction de distinguer un produit d’un autre mais permet également la diffusion de valeurs appliquées par les entreprises ayant in fine un réel impact environnemental positif.

Une politique en faveur du développement et du transfert de technologies « vertes ».

Le droit des brevets n’est également pas resté insensible aux préoccupations liées à l’environnement.

Le Président de l’OEB, António Campinos, avait en ce sens ouvert la conférence Tech Day 2022 par ces propos : « En matière de développement durable, nous sommes confrontés à des défis. Des défis de taille. Mais nous avons un système de brevet capable d’intégrer les technologies de transformation qui surmonteront ces défis. Nous avons un système de brevet qui favorisera les innovations dont nous avons besoin pour atteindre nos objectifs en matière d’émissions et de recyclage et d’autres objectifs de développement durable« .

La réalisation des enjeux en termes de développement durable n’est effectivement pas chose aisée. Ainsi, la question du transfert de technologies vertes entre pays industrialisés et les pays en voie de développement s’est opéré non sans quelques accrocs. Dans le cadre de la Convention « Climat » de 1992, les pays industrialisés avaient refusé de céder leur technologie aux pays en développement. Ces derniers avaient pourtant justifié de leur impossibilité à opérer leur transition écologique par le fait que la quasi-totalité des brevets sont détenus par les pays industrialisés.

En l’espèce, cet argument n’a pas été retenu car la plupart des brevets portant sur des technologies vertes n’étaient pas déposés dans les pays en voie de développement et ne posaient ainsi pas de réels problèmes. Une seconde difficulté fut l’absence de compétences techniques des pays concernés. La licence devenait alors inutile car pas exploitable par le licencié, faute de compétence. C’est à cette étape qu’intervient la possibilité du transfert de technologie. Ce transfert permettrait par exemple la fabrication de produits sur place et donc à la réduction des transports de marchandises. De même, c’est également ce qui permettrait à certains États d’effectuer plus rapidement une transition écologique et durable.

Le caractère universel des préoccupations environnementales néanmoins conduit à de nouvelles manières de concevoir la titularité de la propriété intellectuelle.

A titre d’exemple, la plate-forme Eco-Patent Commons, fondée par IBM, Nokia, Sony et Pitney Bowes, permet le partage des brevets éco-responsables et leur utilisation à titre gratuit par les membres, ce qui a pour effet de favoriser une adoption plus large et plus rapide des nouvelles technologies.

Le brevet trouve donc ici une réelle efficacité en termes de développement durable, tant dans la création et le perfectionnement que dans le transfert de technologies vertes préexistantes.

Une politique des institutions de régulation de la propriété intellectuelle.

Des 17 Objectifs de Développement Durable (ODD) découle également une volonté commune des offices régissant la propriété intellectuelle de favoriser le développement durable.

Au niveau international par exemple, l’Organisation Mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) a mis en place un plan d’action pour le développement en 2007, intégrant les questions liées au développement et la dimension du développement dans les activités et délibérations de l’Organisation. Dans le but d’atteindre les objectifs de développement durables, l’OMPI s’est basé sur une politique durable en matière d’innovation soit l’analyse et la création d’écosystèmes de l’innovation, des travaux législatifs et un appui aux instances judiciaires ou encore la création d’infrastructures, entre bien d’autres.

L’Office Européen des Brevets (OEB) a également réalisé un plan stratégique 2023 afin de parvenir à la neutralité CO2 d’ici 2030 par le biais d’action concrètes, soit la numérisation de la procédure de délivrance des brevets, une modification de l’organisation de travail, des modifications liées à l’environnement de travail ainsi qu’une implication du personnel et des parties prenantes.

Sur un plan plus procédural, certaines institutions nationales en charge de la propriété intellectuelle dont celle du Royaume-Uni, des États-Unis d’Amérique, du Japon ou encore du Brésil ont mis en place un régime accéléré pour les technologies vertes, soit une priorité de ces demandes sur les demandes « classiques ».

On assiste donc ici à une réelle volonté des institutions de mener une politique de développement durable commune. C’est en ce sens que l’OEB et le Japan Patent Office (JPO) souhaitent par exemple mettre en avant la contribution positive de la PI à la réalisation des objectifs de développement durable des Nations Unies lors de la réunion annuelle des chefs des offices IP5, que l’OEB organisera en juin 2022.

En conclusion, le propos vise à mettre l’accent sur les mesures prises par le monde propriété intellectuelle qui traduisent une réelle volonté de s’inscrire dans la transition écologique et, plus globalement, en faveur du développement durable. C’est donc sans aucun doute que l’on verra naître de nouvelles mesures par la suite, toujours dans un optique d’adapter de la discipline avec son temps.

Licencié ou titulaire d’un droit de propriété intellectuelle, la connaissance des droits conférés par un titre peut être à l’origine de décisions commerciales cruciales pour une entreprise. Nos conseils et avocats sont à votre disposition pour vous renseigner et vous accompagner dans vos démarches. Vous pouvez nous contacter à l’adresse suivante : contact@alatis.eu

Par Jean FILLIOUX, étudiant en droit, sous la supervision de Maître Anne DESMOUSSEAUX, Associée fondateur Alta Alatis Patent

Sources :

Voir aussi : Les créateurs de modes à l’épreuve de la « fast fashion »