QUELLE PROTECTION POUR LE LOGICIEL EN FRANCE ?

Le logiciel peut être défini comme l’ensemble des programmes, procédés, règles, et éventuellement de la documentation, relatifs au fonctionnement d’un traitement de données.

Depuis plusieurs années, la protection du logiciel est au cœur de nombreux débats en Europe, tout particulièrement s’agissant de sa brevetabilité appréciée différemment selon les pays.

En France, le logiciel est assez mal protégé puisque seuls certains éléments qui le constituent peuvent bénéficier d’une protection par un droit de propriété intellectuelle.

  1. Quels sont les éléments du logiciel protégeables par un droit de propriété intellectuelle ?

Seuls les éléments suivants, considérés comme la forme d’expression du logiciel, sont protégeables :

  • le matériel de conception préparatoire ;
  • les programmes, à savoir le code source et le code objet ;
  • l’architecture et la structure du logiciel ;
  • la documentation d’utilisation ;
  • les interfaces graphiques, c’est-à-dire l’apparence visuelle du logiciel.

A contrario, les algorithmes, considérés comme des formules mathématiques, ainsi que les fonctionnalités, assimilées à des idées ou des concepts, ne sont pas protégeables.

  1. Comment ces éléments sont-ils protégeables ?

Hormis l’interface graphique, ces éléments sont protégeables par le droit d’auteur spécifique du logiciel s’ils sont originaux, c’est-à-dire s’ils portent l’empreinte de la personnalité de leur(s) auteur(s).

Concrètement, l’on va vérifier quelle est la marque de l’apport intellectuel du ou des auteurs ainsi que l’étendue de leurs efforts et leurs investissements personnels. L’on va également vérifier que le logiciel est bien inédit en France et dans le monde entier.

Ainsi, par exemple, des codes sources évidents qui sont déjà connus ou ne vont pas au-delà de la simple mise en œuvre d’une logique automatique et contraignante ne seront pas considérés comme originaux.

L’interface graphique, quant à elle, est protégeable de deux façons différentes : par le droit d’auteur classique, plus large que le droit d’auteur spécifique du logiciel, ainsi que par le droit des dessins et modèles.

A noter que si les algorithmes et les fonctionnalités ne sont pas protégeables par un droit de propriété intellectuelle, leur reproduction pourra néanmoins être sanctionnée sur le fondement de la concurrence déloyale sous certaines conditions (preuve de leurs valeurs économique et stratégique ainsi que de leur reproduction fautive par un tiers).

Enfin, le nom du logiciel pourra être protégé par la marque.

  1. Quelle est l’étendue de la protection du logiciel par le droit d’auteur ?

Les droits patrimoniaux, qui permettent à l’auteur du logiciel de décider de la commercialisation du logiciel et ses modalités, comportent :

  • le droit de reproduction, c’est-à-dire le droit d’interdire la copie du logiciel, permanente ou provisoire, par quelque moyen et sur quelque support que ce soit. Sont par exemple visées les reproductions, même partielles, du code, de la structure ou encore des interfaces du logiciel ;
  • le droit d’interdire les traductions et adaptations du programme, telles que la conversion dans un autre langage, la conversion du code objet vers le code source ou encore la transformation du matériel de conception en code source.

L’auteur ne peut toutefois se prévaloir de ces droits à l’encontre des tiers lorsque les actes précités sont nécessaires pour permettre l’utilisation du logiciel conformément à sa destination.

  • le droit de distribution, c’est-à-dire le droit de décider et de contrôler la première mise sur le marché de son logiciel.

Les droits patrimoniaux sont transmissibles par contrat et valables pendant une durée de 70 ans à compter du décès de l’auteur (en cas de pluralité d’auteurs, à compter du décès du dernier auteur vivant).

Les droits moraux, attachés à la personne du créateur personne physique, sont incessibles et perpétuels (c’est-à-dire valables de façon illimitée) et englobent le droit au respect de l’œuvre (droit de s’opposer à toute modification, suppression ou ajout susceptible de modifier son œuvre, seulement si ceux-ci sont susceptibles de porter atteinte à son honneur ou à sa réputation) et le droit de paternité (i.e. le droit d’exiger que son nom soit mentionné sur l’œuvre ou, au contraire, de préférer rester anonyme ou se faire connaître sous un pseudonyme et, surtout, interdire à quiconque d’usurper la paternité de son œuvre).

  1. Le logiciel est-il protégeable par un brevet ?

Selon l’article 52 de la Convention sur le brevet européen, repris par l’article L. 611-10 du Code de la propriété intellectuelle, un programme d’ordinateur en tant que tel n’est pas brevetable.

La protection par brevet ne peut être envisagée que dans des cas très spécifiques : par exemple, si le logiciel s’insère dans une invention brevetable et constitue une étape dans le fonctionnement de celle-ci (système ABS d’une voiture, par exemple).

Ou encore, s’il est capable de produire, lorsqu’il est mis en œuvre ou chargé sur un ordinateur, un effet technique supplémentaire allant au-delà des interactions physiques « normales » existant entre le programme (logiciel) et l’ordinateur (matériel) sur lequel il fonctionne (par exemple, la mise en œuvre d’une méthode dotant l’ordinateur d’une nouvelle fonctionnalité).

Aux États-Unis, en revanche, la législation est plus souple et des milliers d’innovations liées à des logiciels informatiques sont brevetées chaque année. Une affaire récente opposant Alice Corp. à la CLS Banks pourrait toutefois bien restreindre, à l’avenir, la brevetabilité des logiciels dans ce pays.

  1. Existe-il des formalités à accomplir pour obtenir une protection du logiciel par le droit d’auteur ?

En France, le principe est simple : la protection du logiciel par le droit d’auteur s’obtient du seul fait de la création originale. Aucune formalité n’est donc requise.

Toutefois, pour que l’auteur puisse opposer ses droits à un tiers, il doit être en mesure de rapporter la preuve de la titularité de ceux-ci et la date à laquelle ils ont été créés.

À cet effet, il est vivement recommandé de procéder à un dépôt des éléments précités auprès de l’APP (Agence pour la Protection des Programmes) : http://www.app.asso.fr/formulaires (Enregistrement des programmes auprès du répertoire international d’identification des œuvres numériques dont le numéro d’enregistrement est admis comme moyen de preuve dans plus de 200 pays et notamment les États membres de l’Union européenne, la Suisse, le Maroc, les États-Unis, la Chine et la Russie).

Il existe d’autres moyens de rapporter la preuve de la titularité des droits sur un logiciel ainsi que de leur antériorité mais ceux-ci sont moins efficaces qu’un dépôt auprès de l’APP : le dépôt d’une enveloppe e-Soleau à l’INPI, l’envoi recommandé à soi-même, le dépôt chez un notaire ou un huissier…

  1. Quelles précautions prendre lorsque l’on fait appel aux services d’un développeur ?

Le principe est que le titulaire des droits sur un logiciel est celui qui l’a créé, c’est-à-dire le développeur.

SI plusieurs développeurs ont participé à la création du logiciel, chacun de ces développeurs est auteur et le logiciel est alors considéré comme une œuvre de collaboration régie par les règles complexes et contraignantes de l’indivision.

Il est donc indispensable lorsqu’une personne fait appel aux services de développeurs, d’organiser contractuellement en amont la titularité des droits et prévoir que ceux-ci soient cédés à la personne, physique ou morale, qui exploitera le logiciel une fois celui-ci achevé.

Deux exceptions toutefois : si le logiciel est réalisé par un salarié dans le cadre de ses fonctions, alors les droits sur le logiciel sont automatiquement dévolus à l’employeur.

De même, en cas d’œuvre collective, c’est-à-dire de logiciel réalisé sous les directives d’une personne, physique ou morale, selon un cadre et des consignes très strictes, le droit d’auteur appartient d’emblée à cette personne sous le nom de laquelle le logiciel sera divulgué.

L’on voit que la question de la titularité des droits est très complexe et seul un avocat spécialisé en la matière pourra, par un montage contractuel adapté, éviter qu’une personne ne puisse pas exploiter le logiciel qu’elle a commandé ou, tout simplement, à la réalisation duquel elle a contribué.

  1. Comment le droit d’auteur du logiciel est-il protégé à l’étranger ?

Grâce à la Convention de Berne qui prévoit que les éléments protégeables par un droit d’auteur bénéficient, dans tout État partie à la Convention, de la même protection que celle que ces États accordent aux créations de leurs propres ressortissants, sans aucune formalité.

A ce jour, 172 États ont ratifié la Convention de Berne, dont la plupart des grandes puissances industrielles (Union européenne, États-Unis, Chine, Japon, Inde).

La Convention de Berne oblige, par ailleurs, tous ses États membres à un « minimum » de protection au titre de ce droit d’auteur.

De manière générale, l’auteur français d’un logiciel bénéficie ainsi dans ces États de droits patrimoniaux à peu près équivalents à ceux exposés ci-dessus pour la France et ce, pour une durée minimale de 50 ans à compter du décès de leur(s) auteur(s).

Julie LE BARS

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