Les marques à la conquête du Métavers
Depuis que le groupe Facebook a annoncé, en octobre 2021, changer de dénomination sociale pour devenir « META » en référence au Métavers, un univers virtuel, de nombreuses marques se sont elles aussi lancées à la conquête du Métavers.
Dès lors, en quoi consiste le « Métavers » ? Nécessite-t-il une évolution du droit des marques ?
Que signifie l’expression Métavers ?
Les « métavers » sont un ensemble d’espaces virtuels où il est possible de créer et d’explorer une même chose avec d’autres personnes qui ne se trouvent pas dans le même espace physique que nous. Ce monde virtuel pour fonctionner utilise deux nouvelles technologies, à savoir la réalité virtuelle permettant de simuler numériquement un environnement par la machine et la réalité augmentée visant à intégrer des éléments virtuels dans le monde réel.
Le « Métavers » s’est notamment développé grâce au secteur des jeux-vidéos, où il est possible d’intéragir via son avatar avec d’autres personnes dans le monde qui ne sont pas physiquement présentes avec nous. C’est pour cette raison que les marques se sont petit à petit lancées dans le Métavers, car elles y ont vu une nouvelle source d’investissement et de rentabilité, en permettant notamment à un joueur d’habiller son avatar avec des produits portant des marques connues du monde réel.
Exemples de marques se lançant dans le Métavers
Pour faire face à la concurrence, plusieurs entreprises ont décidé de déposer leurs marques pour les utiliser dans le « Métavers ». La question qui se pose est de savoir comment protéger de telles marques et si la classification internationale des marques est adaptée à ce nouvel univers virtuel. En effet, ne faudrait-il pas créer de nouvelles classes ou est-ce que les produits et services relatifs au « Métavers » sont classifiables dans des classes déjà existantes ?
Pour le moment, la classification internationale des marques semble adéquate au « Métavers », et plus particulièrement les classes 9 (logiciels), 35 (services de vente en ligne) et 41 (services de divertissement). Par exemple, la société Nike Inc, a procédé à plusieurs dépôts de marques destinées à être utilisées dans le « Métavers », c’est notamment le cas de la marque verbale américaine Nike n°97095855 déposée le 27 octobre 2021 dans les classes suivantes : « 9. Biens virtuels téléchargeables, à savoir des programmes informatiques présentant des chaussures, des vêtements, des couvre-chefs, des lunettes, des sacs, des sacs de sport, des sacs à dos, des équipements sportifs, des œuvres d’art, des jouets et des accessoires à utiliser en ligne et dans des mondes virtuels en ligne ; 35. Services de magasins de détail présentant des marchandises virtuelles, à savoir des chaussures, des vêtements, des couvre-chefs, des lunettes, des sacs de sport, des sacs à dos, des équipements de sport, des œuvres d’art, des jouets et des accessoires pour une utilisation en ligne ; 41. Services de divertissement, à savoir la fourniture en ligne de chaussures, de vêtements, de couvre-chefs, de lunettes, de sacs, de sacs de sport, de sacs à dos, d’équipements sportifs, d’œuvres d’art, de jouets et d’accessoires virtuels non téléchargeables destinés à être utilisés dans des environnements virtuels. » La société a déposé la même marque dans l’Union européenne[1] pour des produits et des services similaires.
Le groupe McDonald’s a lui aussi annoncé début février avoir déposé une dizaine de demandes d’enregistrement de marques destinées à être utilisées dans le « Métavers » et portant notamment sur « l’exploitation d’un restaurant virtuel proposant des produits réels et virtuels » et « sur l’exploitation d’un restaurant virtuel en ligne proposant la livraison à domicile. »[2] Il en est de même pour le groupe l’Oréal qui aurait inscrit 17 de ses marques (Kiehl’s, It Cosmetics, Urban Decay, Pureology, Cerave, Maybeline) dans l’univers digital selon un rapport de l’Organisation mondiale de la Propriété intellectuelle.[3]
Outre, l’adéquation de la classification internationale des marques au « Métavers », il convient de s’interroger également sur la compatibilité des critères d’appréciation de la contrefaçon avec le « Métavers ».
Contrefaçon de marques dans le Métavers : Exemple du « META BIRKIN »
Tandis que d’autres marques de Luxe sont déjà présentes dans le « Métavers », à savoir Gucci, Louis Vuitton ou encore Balenciaga, ce n’est pas le cas d’Hermès. Par conséquent, suite à la vente de plusieurs « Méta Birkin » dans le Métavers, par l’artiste Mason Rotschild, le groupe Hermès a mis en demeure ce dernier de cesser toute reproduction de ses sacs iconiques dans le Métavers. Il est à noter que le groupe Hermès est titulaire de plusieurs marques et modèles « Birkin », et s’était fondé sur la contrefaçon pour interdire à Mason Rotschild tout usage de leur sac dans le Métavers.
Par ailleurs, depuis l’arrêt Arsenal de la CJCE en date du 12 novembre 2002, affaire C-206/01, pour qu’une contrefaçon de marque soit caractérisée elle doit remplir trois critères. Premièrement, l’usage litigieux de la marque contrefaite doit avoir eu lieu dans le contexte d’une activité commerciale procurant un avantage économique. Deuxièmement, l’usage non autorisé dans la vie des affaires n’est illicite qu’à la condition qu’il porte atteinte à l’une des fonctions essentielles de la marque lésée, à savoir la garantie d’origine des produits et services désignés sous cette marque. Cette fonction essentielle dite de garantie d’origine des produits et/ou services, permet aux consommateurs de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance. Dernièrement, l’usage non autorisé doit provoquer dans l’esprit du consommateur un risque de confusion, s’appréciant de manière globale au regard de la similitude entre les produits/services et les signes en cause. Le risque de confusion se définissant de jurisprudence constante comme « le risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement ».[4]
En l’espèce, la reproduction de la marque et du modèle Birkin ayant eu lieu dans le Métavers comment s’apprécie le risque de confusion ? Effectivement, peut-on considérer que le marché et le public pertinent visés sont les mêmes, alors que la marque Hermès n’est pas présente dans le Métavers ? Est-ce qu’un consommateur moyen de produits de luxe et notamment de produits de la marque Hermès pourrait être trompé sur l’origine du MetaBirkin pensant qu’il a été mis en vente par ladite marque ? La loi américaine applicable au cas d’espèce considère que la reproduction d’un objet dont les droits appartiennent à un individu ou une marque sont considérés comme de la contrefaçon, y compris dans le Métavers. Le groupe Hermès a donc obtenu le retrait du projet MetaBirkin par son auteur de l’Open Sea, plateforme virtuelle sur laquelle les ventes avaient eu lieu.
En conséquence, la caractérisation d’une contrefaçon de marque ne semble pas pour le moment être impactée par l’émergence du Métavers dès lors que les trois critères susmentionnés sont remplis. De plus, de nombreuses marques de luxe se sont lancées dans le Métavers, il n’est donc pas à exclure qu’un consommateur moyen de produits destinés à être utilisés dans le Métavers puisse croire que le MetaBirkin ait pu être mis en vente dans le Métavers par le groupe Hermès.
Pour conclure, ce litige démontre l’importance de respecter les droits de propriété intellectuelle, y compris dans un univers virtuel, car les titulaires de marques ont la capacité de faire respecter leur droit de marque. Par ailleurs, le droit des marques apparaît pour le moment comme suffisamment adapté à l’émergence du Métavers.
Nos avocats et nos conseils sont à votre disposition pour analyser avec vous le type de protection à mettre en place. Ils peuvent être contactés à contact@alatis.eu
[1] Marque verbale de l’UE Nike n°018586666 déposée le 26 octobre 2021 en classes 9, 35 et 41
[2] https://www.forbes.fr/technologie/metavers-mcdonalds-depose-une-demande-denregistrement-de-marques-pour-un-restaurant-virtuel/
[3] https://journalduluxe.fr/fr/beaute/l-oreal-metavers-nfts
[4] CJUE 29 septembre 1998, Canon, affaire C-39/97