La propriété intellectuelle au service de la cuisine
Le 20 janvier 2018, s’est éteint l’un des plus célèbres chefs de la cuisine française, Paul Bocuse, et nous souhaitions lui rendre un hommage à notre manière en évoquant brièvement ses interactions avec notre matière.
Très médiatique et communiquant, Paul Bocuse fut l’un des premiers cuisiniers à apparaître régulièrement à la télévision pour y partager ses valeurs et asseoir sa notoriété. Conscient de la valeur que pouvait représenter sa renommée, il prit soin de contrôler fermement l’utilisation de son nom, associé à plusieurs marques, et de son image.
En 1992, le géant étasunien McDonald’s qui avait commis l’imprudence de détourner une photographie du cuisinier dans une des publicités pour son Big Mac diffusée aux Pays-Bas, en fit d’ailleurs les frais. Sur la photographie publiée par McDonald’s, on distingue Paul Bocuse dans sa cuisine en compagnie d’autres chefs qui songent à un Big Mac en l’écoutant parler.
En réaction, Paul Bocuse, dont l’accord n’avait pas été sollicité, avait déposé plainte, réclamant l’équivalent de 2,7 millions d’euros de dommages et intérêts. Dans une interview télévisée, il indiquait souhaiter que cette somme finance son école de cuisine. Il estimait en effet que « McDonald’s, c’est peut-être de bons produits, mais on ne court pas sur la même distance, ni dans la même catégorie ». Une façon imagée de souligner que les deux enseignes, si elles sont toutes deux des leaders dans leur domaine, ne proposent pas la même qualité de produits, et de justifier que l’un ne veuille pas voir son image associée à l’autre. La chaine de fastfood avait immédiatement présenté ses excuses et l’incident s’était clos par une transaction.
Outre ses marques, utilisées y compris pour des produits dérivés tels que des ustensiles de cuisine, Paul Bocuse avait également déposé des dessins et modèles pour des seaux à vin en forme de toque.
En matière de cuisine, et même si le chef trois fois étoilé avait décidé de ne pas en faire usage, d’autres droits offerts par la propriété intellectuelle sont pertinents pour protéger les créations culinaires.
Dessert créé directement sur la nappe par Grant Achatz, incontestablement original.Â
Si le chef cuisinier n’avait à son nom aucun brevet, on peut identifier dans le domaine des créations culinaires des problèmes techniques dont les solutions relèvent du droit des brevets. On peut ainsi imaginer qu’un procédé de fabrication particulier qui permet d’obtenir tel aspect croustillant ou telle texture moelleuse entre facilement dans le champ de ce qui est brevetable. Les acteurs industriels du secteur ne s’y trompent d’ailleurs pas, et les brevets sur des produits culinaires et leurs méthodes de fabrication sont régulièrement délivrés par l’Office européen des brevets. L’INPI, un peu rapidement sans doute, s’est même risqué à délivrer en 1996 un brevet des « produits de pâtisserie à structure composite étagée, formé d’une superposition d’au moins deux pièces principales moelleuses et d’un intermédiaire croquant », autrement dit… un hamburger.
Les recettes peuvent enfin être protégées par le secret de fabrique, qui couvre tout procédé représentant un progrès par rapport à la connaissance moyenne qu’ont les personnes compétentes d’une matière donnée, en l’occurrence la cuisine. Divulguer un tel secret est puni de deux ans d’emprisonnement et 30 000€ d’amende. Mais, depuis les mésaventures de Ratatouille, on sait qu’en cuisine, dans un métier dont la transmission passe par l’apprentissage, le secret est illusoire..
Paul Bocuse, semble quant à lui avoir privilégié la transmission de ses savoir-faire, notamment au travers de son école mondialement renommée, mais également à destination d’un public plus large, par ses interventions à l’époque novatrices à la télévision et par la publication d’une dizaine de livres de recettes.
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