Comment exploiter un produit couvert par un « brevet essentiel » ?
La normalisation des produits vise à garantir la compatibilité et l’interopérabilité des produits entre eux. Pour cela, les normes définissent des standards sur une technologie visée, en listant notamment des spécifications techniques obligatoires au respect de la norme y associée. Les normes évoluent constamment pour s’adapter à l’essor des innovations technologiques, participant ainsi à leur encouragement et leur diffusion.
Ces normes sont généralement élaborées et publiées par des organismes de normalisation auxquels adhèrent les principaux industriels du marché se réunissant sous forme de comités. L’ETSI (European Telecommunications Standards Institute), l’IEEE (Institute of Electrical and Electronics Engineers), lla 3GPP (3rd Generation Partnership Project), le groupe Bluetooth SIG (Bluetooth Special Interest Group) ou encore l’ITU (International Telecommunication Union) figurent parmi ces organismes d’où ont émané des normes rependues dans le domaine des télécommunications, telles que les normes GSM, Wi-Fi, 3 à 5G, Bluetooth, etc.
Les industriels peuvent ainsi proposer des nouvelles spécifications techniques, lesquelles sont généralement protégées en amont par des brevets d’invention. Toutefois, l’adhésion d’un industriel à un organisme de normalisation entraîne généralement une obligation contractuelle pour cet industriel. Il doit déclarer l’ensemble des droits de propriété industrielle, qui couvrent ces spécifications techniques.
Un brevet est dit « essentiel », lorsqu’il est impossible d’exploiter un produit conforme à une norme à laquelle il est lié sans entrer dans la portée d’un brevet. Il s’agit alors d’un brevet essentiel à cette norme.
Pour garantir à la fois le respect des droits de Propriété Industrielle conférés à leurs titulaires et le respect des principes de libre concurrence, ces mêmes titulaires sont alors tenus d’octroyer des licences à des conditions « équitables, raisonnables et non discriminatoires », aussi appelées licences « FRAND » («Fair, Reasonable, and Non-Discriminatory »).
L’organisme de normalisation est également habilité à décider des sanctions à prendre à l’encontre de l’industriel qui en est membre et qui serait en infraction avec ses obligations. Il peut, par exemple, décider son exclusion de son organisation, remettant en cause l’implication de cet industriel aux comités de travail.
L’encadrement légal de ces brevets essentiels est donc plus complexe et diffère, notamment, selon chacun des organismes de normalisation. Les litiges portant sur ces brevets revêtent un caractère particulièrement stratégique et sont également encadrés par la jurisprudence. Elle fixe certaines conditions supplémentaires : par exemple, pour qu’une action en contrefaçon fondée sur un brevet essentiel à l’encontre d’un tiers mettant en œuvre une norme sans licence ne soit pas considérée comme un abus de position dominante.
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François Legrand, Mandataire agréé auprès de l’Office européen des brevets – francois.legrand@alatis.eu