Les dérogations au secret des affaires

La Directive sur le secret des affaires avait suscité de vives polémiques au moment de son adoption en juin 2016. Les détracteurs du texte craignaient qu’il ne bafoue la liberté d’expression en menaçant journalistes et lanceurs d’alerte. C’est pourquoi le texte européen a prévu deux cas dérogatoires dans lesquels la divulgation d’une information qui relève pourtant du secret ne sera pas sanctionnée.

Le divulgateur devra analyser le contenu de son information (qui devra entrer dans le champ de l’une des deux exceptions), mais également faire attention à la façon dont il diffuse l’information.

LE CONTENU DE L’INFORMATION : QUELS SONT LES CAS DÉROGATOIRES ?

La première dérogation permet que la divulgation de l’information secrète ne soit pas réprimée lorsqu’elle a eu lieu pour « exercer le droit à la liberté d’expression et d’information, y compris le respect de la liberté et du pluralisme des médias ». La formulation du texte manque de précision, mais on comprend que les rédacteurs ont voulu ménager une exception pour les journalistes qui dévoilent une information secrète dans le cadre de leurs attributions, sans basculer dans l’espionnage économique.

La seconde prévoit que la révélation d’une information secrète ne sera pas punie si elle permet de « révéler une faute, un acte répréhensible ou une activité illégale », dès lors que le divulgateur a agit dans « l’intérêt public général ». Il s’agit donc de protéger les lanceurs d’alerte tout en écartant de la protection les divulgateurs mal intentionnés qui chercheraient à nuire au détenteur des informations secrètes.

Là encore, le texte manque de clarté : qu’est-ce que l’intérêt public général ? les « fautes et manquements » couvrent-ils uniquement les infractions au sens strict ou également des agissements moralement répréhensibles bien que légalement irréprochables (auquel cas la dérogation serait applicable à des scenari du type Luxleaks ou Panama Papers) ? Il reviendra à la loi introduisant la Directive en droit français de clarifier les contours de ces dérogations.

LA PROCÉDURE À RESPECTER POUR DÉROGER AU SECRET DES AFFAIRES

Une fois que le divulgateur se trouve dans l’un des deux cas dérogatoires, encore faut-il qu’il respecte le cadre fixé par la loi pour divulguer son information sans être condamné. Ce cadre est double.

D’une part, la loi Sapin II adoptée en décembre 2016 pour protéger les lanceurs d’alerte prévoit que l’alerte doit être donnée en respectant une procédure graduée.  Ainsi, si un salarié croit avoir identifié une activité illégale commise dans son entreprise, il n’est en aucun cas compétent pour juger lui-même de l’illégalité. Dès lors, il lui appartient d’abord de signaler l’information au sein de son entreprise. Si aucune suite n’est donnée à son alerte, il doit saisir la justice qui se prononcera sur l’illégalité. Enfin, en dernier recours et uniquement en cas d’inertie de la justice, il peut rendre l’alerte publique en dévoilant l’information aux médias. S’il ne respecte pas ces trois paliers, le divulgateur ne bénéficiera pas de la protection accordée aux lanceurs d’alerte.

D’autre part, en plus de respecter la procédure d’alerte de la loi Sapin II, le divulgateur devra également veiller à agir conformément au cadre prévu par la transposition de la Directive pour échapper aux sanctions de la violation du secret des affaires.