La protection du Photographe par le droit d’auteur

La protection du Photographe par le droit d’auteur

L’œuvre protégée par le droit d’auteur 

La réutilisation d’une photographie par un tiers sans l’accord de son auteur est une problématique redondante. Trop souvent l’on oublie que le photographe professionnel ou amateur est un artiste qui bénéficie d’une protection par le droit d’auteur.

Un rappel général apparait nécessaire quant au régime du droit d’auteur et tout particulièrement de son application au cas du photographe.

L’article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle (ci-après CPI) donne une définition de la notion de droit d’auteur qui peut se résumer de la manière suivante : C’est un « droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous attribué à l’auteur d’une œuvre de l’esprit. Le droit d’auteur est composé de prérogatives d’ordres patrimonial et moral[1]». C’est un droit immatériel qui existe du simple fait de création.

Il est communément admis en jurisprudence que l’œuvre est le support par lequel s’exprime l’auteur et qui par conséquent est empreint de sa personnalité et qui doit démontrer d’une certaine originalité.

De manière assez prévisible le législateur français admet une conception très étendue du champ d’application du droit d’auteur faisant fi du genre, de la forme, de l’expression, du mérite ou de la destination de l’œuvre (L.112-1 CPI).

En complément, le CPI fournit par l’article L.112-2 une liste non exhaustive de ce qui est considéré comme une œuvre de l’esprit, on y retrouve en son 9e point : « Les œuvres photographiques et celles réalisées à l’aide de techniques analogues à la photographie ».

Sans surprises, la photographie entre dans le champ de protection du droit d’auteur.

Le contenu du droit d’auteur 

Comment le droit d’auteur parvient-il à la protection des œuvres et de leur auteur ?

Deux droits majeurs structurent celui du droit d’auteur, les droits moraux et les droits patrimoniaux.

  • Concernant les droits moraux :

Ce sont les droits intrinsèques à l’auteur, il n’en dispose pas. Tel est le constat fait à la lecture de l’article L.121-1 CPI, le droit d’auteur est « perpétuel, inaliénable et imprescriptible ». Ces droits moraux s’attachent à la personne même de l’auteur, de son vivant jusqu’à sa mort. Ils ne peuvent aucunement faire l’objet d’un contrat.

Ces droits moraux se décomposent en 4 prérogatives :

  1. Le droit de divulgation: seul l’auteur a le droit de rendre son œuvre publique.
  1. Le droit de paternité ou droit au nom : l’auteur a le droit d’être reconnu comme le créateur de l’œuvre et d’y voir son nom apposé.
  1. Le droit au respect de l’intégrité de l’œuvre : l’auteur dispose d’un droit pour s’opposer à toute modification ou atteinte à l’œuvre originale.
  1. Le droit de retrait et de repentir : seul l’auteur dispose d’un droit pour modifier son œuvre ou en cesser l’exposition au public.

Concernant le droit de paternité du photographe, la jurisprudence a depuis longtemps reconnue dans un arrêt du Tribunal de Grande Instance de Paris du 26 Juin 1985 que « méconnait le droit au nom du photographe : le magazine qui omet le nom du créateur et ne mentionne que celui de l’agence de presse qui lui avait cédé le cliché ».

Solution répétée dans l’arrêt de la Première chambre civile de la Cour de cassation du 12 Juillet 2006 : « Viole l’article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle, la cour d’appel qui déboute un photographe de sa réclamation en raison de l’absence de mention de son nom au motif que la signature de l’œuvre utilisée à des fins publicitaires n’est pas obligatoire et ne pouvait être mentionnée par manque de place, l’œuvre étant reproduite en très petit format alors que la mention du nom de l’auteur ne pouvait être omise sans l’autorisation de celui-ci. »

Il n’est donc pas possible d’utiliser, notamment à des fins commerciales, une photographie sans y faire mentionner le nom de son auteur.

  • Concernant les droits patrimoniaux :

A la différence des droits moraux, les droits patrimoniaux se caractérisent par leur disponibilité, ces derniers étant, temporaires (70ans post décès de l’auteur ces droits disparaissent), aliénables et cessibles (L.123-1 CPI). Ces droits peuvent donc faire l’objet de contrat de cession.

Ces droits forment le « droit d’exploitation », permettant pour l’auteur ou ses ayants droit d’obtenir par l’exploitation de l’œuvre, une rémunération.

Deux droits formes le composent, à savoir : le droit de représentation et le droit de reproduction. (L.122-1 CPI)

Le droit de représentation consiste dans le fait de rendre l’œuvre accessible au public par un procédé quelconque (L.122-2 CPI).

Le droit de reproduction consiste dans le fait de fixer matériellement une œuvre et de la reproduire sur un support quelconque dans le but de le communiquer au public de manière indirecte (L.122-3 CPI). Par exemple la reproduction d’une peinture, sculpture ou d’une photographie au sein d’un manuel, livre ou encore magazine qui nécessite l’accord de l’auteur.

En effet, l’usage de l’un de ces droits sans l’accord de son auteur, de ses ayants droit ou ayants cause constitue une contrefaçon de droit d’auteur. (L.122-4 CPI).

Ainsi, au regard de tout ce qui précède. Le photographe est en droit de s’opposer à la mise à disponibilité du public de l’une de ses photographies par l’intermédiaire d’un support quelconque (site internet, livre, magazine, vidéo) dès lors que ce dernier n’a pas consenti à un tel usage ou encore n’a pas conclu de contrat de cession de droit d’auteur.

La contractualisation des droits patrimoniaux 

Le législateur affirme la disponibilité des droits patrimoniaux au sein de son article L122-7 CPI par le rappel de leur cessibilité, à titre gratuit ou à titre onéreux. Un garde-fou est tout de même mis en place par l’interdiction des cessions globales d’œuvres futures (L.131-1 CPI).

Plusieurs contrats relatifs à ces droits patrimoniaux existent notamment, les contrats de représentation, d’édition ou de cession de droit d’auteur. Peu importe le contrat, dès lors qu’il porte sur une transmission de droit d’auteur, un écrit est nécessaire (L.131-2 CPI).

La transmission d’un droit d’auteur fait l’objet d’un encadrement tout particulier, en effet le domaine d’exploitation du droit cédé doit être strictement délimité quant à « son étendue, sa destination, dans le temps et de l’espace » (L.131-3 CPI). Ainsi, le contrat de cession portant sur un droit de reproduction par un photographe au profit d’une agence de presse doit déterminer, l’usage qui sera fait de cette photographie, les supports autorisés à sa reproduction, dans quels pays cette reproduction pourra être publiée et durant combien de temps.

Ainsi, un tiers ne peut, à des fins commerciales ou à des fins autres que privées, mettre à la disponibilité du public une photographie protégée par le droit d’auteur, sans au préalable obtenir, soit l’autorisation écrite de l’auteur, soit un acte écrit attestant de la transmission de l’un des droits patrimoniaux (contrat de cession, de représentation etc…) Le simple fait de disposer de la photographie, ne se suffit pas à lui-même pour démontrer l’existence d’une transmission de droit d’auteur.

[1] Fiches d’orientation DALLOZ ; Droit d’auteur – Août 2022