Le groupe QUICK perd sa marque « Giant » pour désigner son célèbre Burger
Il sera toujours possible de déguster le célèbre burger « Giant » de Quick, mais la société perd son monopole sur ce terme. La marque GIANT a été annulée par la cour de cassation. Un arrêt du 27 janvier 2021, vient trancher le conflit opposant les sociétés Sodebo et Quick sur la marque « Giant ».
Conflit entre le groupe Quick et la Société Sodebo
La société France Quick, une filiale de la société Quick restaurants, qui gère sur le territoire français la chaîne de restauration « Quick », détient une licence d’exploitation de la marque internationale « Giant » déposée auprès de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) le 14 juin 2006. Cette marque a été enregistrée pour désigner divers produits alimentaires et services de restauration figurant dans les classes 29, 30 et 43 et notamment pour des articles de fast-food (classes 29 et 30).
La société Sodebo a quant à elle déposé le 3 février 2011 auprès de l’Institut National de la propriété industrielle (INPI) la marque « Pizza Giant Sodebo », pour désigner divers produits en classes 29 et 30 et notamment une gamme de pizzas destinées à être commercialisées dans les supermarchés.
En réponse à ce dépôt, les sociétés Quick restaurants et France Quick ont assigné en justice la société Sodebo pour obtenir l’annulation de leur marque « Pizza Giant Sodebo » au motif qu’elle était indisponible car elle portait atteinte à leur marque antérieure « Giant ». Le groupe Quick invoquait les griefs de contrefaçon de sa marque et de concurrence déloyale pour demander à être indemnisé. Pour se défendre, la société Sodebo a fait une demande reconventionnelle afin d’obtenir l’annulation de la partie française de la marque « Giant » pour défaut de distinctivité.
Arguments avancés par les parties pour éviter l’annulation de leur marque
Pour rappel, une marque est valide si elle est distinctive, licite et disponible et peut être annulée si elle ne répond pas à ces trois conditions.
Dans les faits, c’était le caractère distinctif de la marque « Giant » qui était remis en cause. Par caractère distinctif, on entend le fait qu’une marque ne doit pas entretenir de liens directs avec les produits et services qu’elle désigne, ni indiquer explicitement une de leurs caractéristiques. En l’espèce, la société Sodebo arguait que la marque « Giant » signifiant en français « géant » constituait donc la description d’une des caractéristiques du produit, « Giant » pouvant être associé à la dimension du burger. Selon cette interprétation, le terme Giant n’est pas distinctif au sens de l’article L711-2 du Code de la propriété intellectuelle.
Pour sa défense, le groupe Quick tentait de démontrer que sa marque « Giant » avait acquis un caractère distinctif par son usage. Pour preuve de cela, un sondage d’opinion réalisé du 17 au 18 septembre 2014, révélant que « 44 % des Français interrogés associaient le mot « Giant » à la marque ou aux produits vendus par Quick mais sans qu’il y ait un lien direct avec le produit. » L’article L711-2 du Code de la propriété intellectuelle, prévoit en effet que le caractère distinctif d’une marque peut s’acquérir par l’usage. C’est ce que la chambre commerciale de la Cour cassation a reconnu dans un arrêt du 16 décembre 2016, pour la marque « venteprivée.com », qui avait rapporté la preuve du caractère distinctif de sa marque grâce à plusieurs sondages d’opinion. Il s’agit d’une marque qui au premier abord paraît assez descriptive et donc non distinctive.
Fin de la saga Quick VS Sodebo
Par un arrêt du 27 janvier 2021, la chambre commerciale de la cour de cassation a mis fin à la saga Quick VS Sodebo, ayant fait l’objet de plusieurs décisions dont une remarquée de la cour de cassation du 8 juin 2017.
Les juges de cassation ont confirmé comme leurs prédécesseurs, l’annulation de la marque « Giant » au motif que les sociétés Quick n’ont pas démontré l’acquisition du caractère distinctif de leur marque par l’usage. En effet, le caractère distinctif d’une marque s’apprécie au moment de son dépôt et non pas postérieurement à celui-ci. En conséquence, le sondage d’opinion datant de 2014 était irrecevable à titre de preuve d’usage, il aurait fallu se fonder sur des études antérieures au 14 juin 2006, date de dépôt de la marque. Est également rappelé que des termes usuels tels que Giant, Big, XXL sont courants et ne peuvent être enregistrés à titre de marque sans bloquer la concurrence.
Cependant, contrairement aux arrêts précédents, la cour de cassation sanctionne la société Sodebo pour agissements parasitaires à l’encontre du groupe Quick. Le parasitisme, étant le fait pour une société de tirer profit de la renommée d’une société concurrente, et notamment de ses investissements et campagnes publicitaires pour promouvoir sa propre marque et capter la clientèle de la société concurrente en question.
Alors que la Cour d’Appel de Paris dans l’arrêt du 3 juillet 2018 avait refusé l’indemnisation sur le fondement des agissements parasitaires, car les sociétés Quick n’avaient pas démontré un risque de confusion entre leur marque et celle de la société Sodebo, la cour de cassation rappelle que la preuve du parasitisme n’est pas subordonnée à un risque de confusion.
Les sociétés Quick ont donc pour maigre consolation obtenu la condamnation de la société Sodebo au titre d’agissements parasitaires, qui ne saurait compenser l’annulation de leur marque « Giant » pour défaut de caractère distinctif. La marque « Giant » étant annulée, elle peut désormais être utilisée par tous les concurrents.
Cette affaire, démontre donc qu’il est recommandé avant d’entreprendre toute action en justice de vérifier que sa marque répond bien aux conditions de validité prévues par la loi. Le risque étant que votre concurrent fasse une demande reconventionnelle en nullité ou en déchéance, dans le but de faire annuler votre marque, ce qui mettra fin au monopole dont vous bénéficiez.
Nos conseils et avocats en propriété industrielle, sont à votre disposition pour vous conseiller et vous accompagner dans vos démarches, si vous envisagez notamment d’attaquer en contrefaçon un concurrent qui porterait atteinte à votre marque antérieure.