Cession et concession de brevets : un régime fiscal avantageux

Cession et concession de brevets : un régime fiscal avantageux

Il est important pour les entreprises dont l’activité est essentiellement basée sur la recherche et le développement de bien connaître quels sont les instruments pour établir une stratégie de propriété intellectuelle durable. En effet, les droits de propriété intellectuelle qui découlent de ces activités n’ont pas obligatoirement vocation à demeurer entre les mains de la même personne pendant toute leur durée de validité. Ainsi, il est courant que les entreprises effectuent soit une cession de leur droit, c’est-à-dire la transmission définitive du droit à un tiers, soit une concession de licence sur leur droit, ce qui correspond à une sorte de « prêt » du droit, généralement en échange de redevances. Ces cessions et concessions ne sont pas sans incidence sur l’impôt que la société devra payer. Explications

La connaissance des mécanismes d’optimisation fiscale est essentielle pour une entreprise souhaitant établir une stratégie durable. Cette nécessité a rapidement été intégrée par le législateur qui a opté pour la mise en place de régimes spécifiques. Ainsi, dans le cadre des gains et produits tirés de la cession, concession ou sous-concession d’un brevet ou des droits de propriété industrielle assimilés, les entreprises avaient la possibilité de bénéficier jusqu’alors une réduction de 15% sur l’impôt sur les sociétés (IS) et de 12,8% de l’impôt sur le revenu (IR).

Ce régime, jusqu’alors relativement favorable, a été de nouveau réformé par le législateur, toujours dans l’optique de créer un environnement fiscal français attractif. En effet, les lois finance de 2019 et 2020 ont modifié et précisé le régime de taxation qui encadre les cessions et les concessions de licences. Ainsi, les entreprises peuvent désormais bénéficier d’un régime de faveur réduisant leur impôt à 10% des gains et produits tirés d’une cession, d’une concession ou d’une sous-concession d’un brevet, ce dernier cas correspondant à la concession d’une licence par celui à qui elle a été accordée, donc une sorte de « prêt du prêt ». Cette réduction du taux fait preuve d’une réelle volonté de créer un paysage fiscal favorable aux entreprises détentrices de droits de propriété intellectuelle, plus spécifiquement ici de brevets et assimilés.

Cette possibilité d’optimisation semble être idyllique pour les entreprises dont le désir est de s’implanter sur le territoire européen, et situe la France comme l’un des choix les plus ingénieux. Cependant, certaines conditions viennent délimiter ce régime. Les sociétés dont la volonté est de prétendre à ce régime favorisé ne peuvent en bénéficier que lorsque celle-ci remplissent des conditions spécifiques. Il est donc très important de délimiter quelles entreprises et quels droits peuvent faire l’objet de cet impôt, et en quoi ces conditions larges permettent un outil attractif.

Ce régime a vocation à appliquer une réduction de l’impôt sur les sociétés (IS) ou sur l’impôt sur le revenu (IR). De toute évidence donc, les entreprises concernées sont celles soumises à l’un de ces impôts. Ce premier point met en lumière l’aspect favorable du régime, une très large majorité des entreprises étant soumises à l’un de ces deux régimes, en fonction de leur forme juridique ou encore par option.

Suivant cette logique, il faut également déterminer quels sont les gains visés par cet impôt. Ce régime vise les gains et produits tirés de la cession, concession ou sous-concession pour les brevets et assimilés. Le terme « assimilés » est relativement important, le contribuable pouvant être tenté d’y déceler une catégorie « fourre-tout ». L’article 238 du Code Général des Impôts[1] (CGI) vient cependant préciser quelles sont les droits visés par ces opérations soumises à l’imposition séparée. Nous pouvons ainsi y retrouver les logiciels protégés par le droit d’auteur, les certificats d’obtention végétale et, sous certaines conditions, les procédés de fabrication industriels.

De nouveau, force est de constater que cette liste, certes exhaustive, est relativement large. Cet aspect renforce de nouveau le caractère relativement peu discriminatoire de ce régime favorisé.

Dans un second lieu, certaines conditions n’ont qu’une incidence relativement faible. L’article 238 du CGI pose par exemple comme condition la nécessité que l’actif ait été acquis depuis moins de deux ans. Si cette condition est restrictive en principe, elle ne fait obstacle qu’à peu d’actifs. A titre d’illustration, la durée de validité d’un brevet est d’une durée de 20 ans maximum, ce qui permet que sa transmission soit étalée sur une longue période. De plus, l’amortissement d’un brevet pour une entreprise nécessite généralement que l’actif soit conservé un certain temps, et ce même dans le cadre où celui-ci n’est pas essentiel à l’activité de l’entreprise.

D’autres conditions s’avèrent moins inclusives. En effet, l’article 238 CGI vient également poser comme condition que l’entreprise cédante n’ai pas de lien de dépendance avec l’entreprise cessionnaire. Cette ultime condition réduit sensiblement les possibilités d’optimisation fiscales des entreprises. En effet, les cessions et concessions intragroupes s’avèrent relativement importantes pour les groupes composés d’entreprises dont certaines ont pour objet la réalisation de la phase de recherche et développement, et d’autres à utiliser le brevet. Cette condition se justifie cependant par la nécessité d’encourager les transferts de technologie entre les divers acteurs d’un marché donné.

Plus globalement donc, ce régime spécifique reste relativement accessible à une forte majorité de contribuables. La mise en place de ce type d’outils fiscaux met en lumière une volonté nette de la France de renforcer son attractivité face à d’autres pays européens aux régimes fiscaux compétitifs, et ce en réduisant certains impôts liés aux droits de propriété intellectuelle pour les entreprises implantées sur son sol. La mise en place de ces divers outils spécifiques renforce ainsi l’idée que la France peut être qualifiée de potentiel paradis fiscal en ce qui concerne certains droits de propriété intellectuelle.

Vous souhaitez en savoir plus ?
N’hésitez pas à lire notre article « La France, un paradis fiscal pour les brevets ? »

Par Jean FILLIOUX, étudiant en droit, sous la supervision de Maître Anne DESMOUSSEAUX, Associé fondateur Cabinet Alta Alatis Patent

Licencié ou titulaire d’un droit de propriété intellectuelle, la connaissance du régime fiscal sur les droits conférés peut être à l’origine d’une stratégie cruciale pour une entreprise. Nos conseils et avocats sont à votre disposition pour vous renseigner et vous accompagner dans vos démarches. N’hésitez pas à nous contacter à l’adresse suivante : contact@alatis.eu

Sources :

https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/4646-PGP.html/identifiant%3DBOI-BIC-PVMV-20-20-30-20180704

[1] Article 238 du CGI