Le streaming en péril ?

Qu’en est-il de l’avenir des sites de streaming ?

Est-ce la fin de DP Stream et des autres sites hébergeurs ?

Va-t-on pouvoir regarder nos séries en ligne en streaming à l’avenir ?

Telles sont les questions qui se posent depuis que la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a rendu sa décision GS Media BV, le 8 septembre 2016.

En effet, la Cour a été saisie du cas particulier d’un éditeur d’un site connu néerlandais (www.genstijl.nl) qui avait publié sur ce dernier, un lien hypertexte renvoyant à des photos compromettantes de la présentatrice Britt Dekker. Ces photos étaient initialement réservées à la publication par le magazine Playboy qui en avait la seule exclusivité. Elles devaient paraître dans l’édition du mois de décembre 2011 de ce magazine. Dans ce cadre, le photographe qui avait pris les photos avait accordé à l’éditeur du magazine, l’autorisation d’y publier ces photos à titre exclusif mais aussi l’autorisation d’exercer les droits et pouvoirs résultant de ses droits d’auteur.

Ainsi, la Cour de Justice de l’Union Européenne se devait de répondre à la question sous-jacente qui était celle de savoir si la publication d’un lien renvoyant vers un contenu illicite était elle-même constitutive de contrefaçon ?

En d’autres termes, est-ce que le fait qu’une personne autre que le titulaire des droits d’auteur, renvoie via un lien hypertexte sur son site Internet, à un autre site Internet exploité par un tiers et accessible à l’ensemble des internautes et sur lequel l’œuvre est mise à la disposition du public sans l’autorisation du titulaire des droits d’auteur, constitue une « communication au public », au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29 de l’Union Européenne ?

Enfin, faut-il tenir compte d’autres circonstances pour répondre à la question de savoir s’il y a communication au public lorsqu’un lien hypertexte, donnant accès à une œuvre qui n’a pas encore été mise à la disposition du public auparavant avec l’autorisation du titulaire du droit d’auteur, est placé sur un site Internet ?

Pour répondre à la question qui lui était soumise, la Cour de Justice de l’Union Européenne a alors fait œuvre d’exégèse en interprétant la notion de « communication au public » prévue à l’article 3, paragraphe 1 de la directive 2001/29 de l’Union Européenne. Elle considère en effet que, dès lors que la communication au public est établie sans autorisation du titulaire du droit d’auteur, elle est répréhensible.

Cependant, toujours dans l’objectif d’équilibre qui lui est propre, la Cour a considéré que l’intérêt des titulaires des droits d’auteur et des droits voisins à la protection de leurs droits de propriété intellectuelle, garantie par l’article 17, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, devait être mis en balance avec la protection des intérêts et des droits fondamentaux des utilisateurs d’objets protégés, en particulier de leur liberté d’expression et d’information garantie par l’article 11 de la Charte.

Ainsi que la Cour l’a déjà jugé, la notion de « communication au public » associe deux éléments cumulatifs, à savoir un « acte de communication » d’une œuvre et la communication de cette dernière à un « public » (arrêt du 13 février 2014, Svensson e.a., C-466/12).

En définitive, la Cour de Justice de l’Union européenne a jugé que, le placement d’un hyperlien sur un site internet vers des œuvres protégées par le droit d’auteur et publiées sans l’autorisation de l’auteur sur un autre site internet, ne constitue pas une « communication au public » dès lors que la personne qui place ce lien n’a pas connaissance de l’illégalité de la publication de ces œuvres et qu’elle agit dans un but non lucratif.

A contrario, les hyperliens fournis dans un but lucratif seraient eux répréhensibles en ce que leur caractère illégal apparaît alors présumé. En pratique, cela impose alors à l’éditeur professionnel une vérification préalable de l’accord des ayants droit à la mise en ligne de l’œuvre vers laquelle le lien hypertexte qu’ils insèrent renvoie.

Concernant le cas spécifique des sites d’hébergeurs de streaming, cette décision a alors permis une répression pour ces derniers.

On relèvera ainsi, un jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris du 4 décembre 2014 antérieur à la décision de la CJUE qui a bloqué en France l’accès au site « The Pirate Bay » pour téléchargement illégal.

Pour se prononcer en ce sens, il avait relevé que ce site « est entièrement dédié ou quasi entièrement dédié à la représentation de phonogrammes sans le consentement des auteurs », ce qui constitue une atteinte aux droits d’auteur telle que prévue à l’article L336-2 du code de la propriété intellectuelle.

Le tribunal avait estimé également qu’en donnant aux internautes la possibilité de télécharger ou d’accéder en streaming aux œuvres à partir de liens hypertextes présentés sur les sites litigieux, et ce même si les contenus sont stockés auprès de serveurs tiers, les opérateurs avaient permis aux internautes de procéder au téléchargement des œuvres litigieuses en donnant aux internautes les moyens de reproduire des œuvres dont ils ne détenaient pas les droits ».

Le juge des référés a relevé dans le même sens que « l’absence de droits d’exploitation sur les œuvres est connue de tous car le réseau « the Pirate Bay » revendique son illicéité tant au niveau de sa dénomination que de ses mentions.

Plus récemment, dans un arrêt du 26 avril 2017, la CJUE a considéré que la vente d’un lecteur qui permet de regarder du streaming sur un écran de télévision est constitutive d’une violation des droits d’auteur. Elle estime également que la reproduction temporaire sur ce lecteur d’une œuvre protégée par le droit d’auteur obtenue par streaming n’est pas exemptée du droit de reproduction.

Il en résulte que les actes de reproduction temporaire sur un lecteur multimédia doivent respecter les droits d’auteur s’ils correspondent aux conditions précitées de communication au public.

Joséphine BUSNEL

Master 2, Droit des Affaires internationales, Paris II Panthéon-Assas

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