LOUBOUTIN : LES ESCARPINS À SEMELLES ROUGES

Toutes les femmes du monde adeptes de la mode, sauront rapidement identifier une chaussure Louboutin. Depuis 1992, le concepteur des chaussures Louboutin, Christian Louboutin se distingue singulièrement, de ses concurrents en vendant des chaussures pour femme de semelles rouges. Si cette marque a su marquer l’esprit des consommateurs, ce n’est que depuis peu qu’elle est parvenue à s’imposer face à ses concurrents.
Durant de nombreuses années,  Christian Louboutin n’a demandé aucune protection. Ce n’est qu’en 2000, soit près de dix ans plus tard, qu’il a déposé une première demande d’enregistrement de sa marque aux Etats-Unis, sur la base d’un enregistrement Français. Graphiquement, la marque prenait la forme d’une semelle dessinée en deux dimensions, elle était décrite comme représentant une «chaussure de semelle rouge». La marque fut enregistrée mais a très vite fait l’objet de controverses aussi bien aux Etats-Unis qu’en Europe.
Aux Etats-Unis tout d’abord ! Alors qu’il agissait en contrefaçon contre l’entreprise française Yves Saint Laurent pour avoir commercialisé des chaussures entièrement rouges (semelles comprises), Christian Louboutin a été contraint de délimiter sa marque de manière plus restrictive. En effet, la Cour d’appel (1) a admis la validité de la marque Louboutin mais a jugé que celle-ci ne se caractérisait pas par la couleur rouge de la semelle, mais par le contraste existant entre la couleur de la semelle et la couleur de la partie supérieure de la chaussure.
Par conséquent, la marque ne trouvera protection que s’il existe un contraste entre la semelle de couleur rouge d’une chaussure et le reste de la chaussure, de sorte qu’un fabriquant de chaussure tel que Yves Saint Laurent peut aisément commercialiser des chaussures de couleur rouge, sans violer la marque Louboutin. La Cour est parvenue à une solution qui permet à la fois de protéger les éléments uniques de la marque Louboutin, tout en conservant une concurrence effective sur le marché, et ce conformément aux principes fondamentaux du droit des marques.
Mais c’est en France dans le cadre d’un litige l’opposant à Zara France, que la marque a vu rouge. Alors que le tribunal de première instance avait jugé la marque litigieuse valide, en la qualifiant de marque complexe, la Cour d’appel (2) ainsi que la Cour de cassation (3), n’ont pas suivi un tel raisonnement. Elles ont fait  le choix de placer le débat sur l’opportunité de représenter en deux dimensions une marque constituée par la semelle d’une chaussure. Les cours ont jugé que le dessin soumis à l’enregistrement par Louboutin ne permettait pas à première vue de représenter une semelle. Autrement dit, les cours critiquaient la représentation graphique choisie par Louboutin. Elles ont considéré que le dessin soumis à l’enregistrement n’était pas en mesure de capturer clairement les trois aspects dimensionnels de la semelle d’une chaussure et par conséquent d’assurer la perspective appropriée. La marque litigieuse ne pouvait être représentée qu’en trois dimensions.
Tirant les conséquences de cet arrêt, un nouveau dépôt a été effectué aux Etats-Unis également calqué sur un enregistrement effectué en France. Grâce à ce nouveau dépôt Christian Louboutin est sorti victorieux de ses combats contre les contrefacteurs présumés, qui vendaient des chaussures à talons hauts avec des semelles rouges (4).

Quels enseignements en tirer ?

Les arrêts « Louboutin » ne doivent pas être interprétés comme traduisant une réticence des juges à la protection de la couleur en tant que marque, mais plutôt comme des guides édifiants, sur la façon d’enregistrer une marque de couleur, pour garantir l’effectivité de vos droits.
Premièrement, il est essentiel que vous adoptiez une stratégie d’enregistrement. Notez que dans le cadre de cette affaire, Louboutin a été contraint de demander l’enregistrement d’une marque dessinée de manière plus étroite : une semelle rouge contrastant avec la partie supérieure d’une chaussure pour femme, représentée dans un format approprié pour refléter la position de la marque par rapport au produit. Louboutin a également dû restreindre les marchandises sous-jacentes à la marque, à savoir, des chaussures de luxe pour femmes.
Par ailleurs, une couleur générique ne peut pas être enregistrée en tant que tel, en particulier si cette couleur n’est pas uniformément représentée sur le dessin soumis à enregistrement. Si vous recherchez la protection par le droit des marques d’une seule couleur, vous devez au minimum, spécifier une nuance particulière de la couleur pour laquelle vous voulez obtenir une protection, en utilisant une référence à un code de couleurs international tel que le Pantone.
Enfin, pour faire cesser une atteinte à votre droit, par le biais d’une action en contrefaçon par exemple, vous devez pour que celle-ci puisse prospérer, être stratégique dans le choix des défendeurs à votre action. Dans le litige considéré, Louboutin a choisi un concurrent qui commercialisait des chaussures de couleur rouge. Or la marque Louboutin n’est caractérisée que par une semelle de couleur rouge qui se contraste avec la couleur de la chaussure, l’action en contrefaçon ne pouvait donc aboutir. Il faut aussi se demander si le demandeur est un concurrent direct, s’il entend s’implanter sur le même marché que vous. Il s’agissait en l’occurrence du marché de luxe, des chaussures de haute couture. Yves Saint Laurent était à l’évidence un « concurrent » de Louboutin.
1. CA New-York 5 Septembre 2012
2. CA Paris 22 Juin 2011
3. Cass Com 30 Mai 2012
4. CA Bruxelles 18 novembre 2014 ;  TGI Paris 16 Octobre 2014 Christian Louboutin c/ Laken Ngami
Lire l’article publié au Trademark Reporter : vol105_No6_Hocking-Desmousseaux (2)
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