La propriété intellectuelle s’invite dans la campagne présidentielle
Alors que la course à la présidentielle est lancée, plusieurs candidats ont violé des droits de propriété intellectuelle appartenant à des tiers, notamment des droits d’auteur et de marques.
Clairement, la propriété intellectuelle est présente à tout instant de nos vies que nous y prêtions attention ou non. Ce n’est pas seulement l’apanage du monde des affaires ou des grands groupes, elle est présente dans tous les domaines et nous concerne tous. C’est ainsi que la propriété intellectuelle s’invite dans la campagne présidentielle.
Clips de campagne et droit d’auteur
Le 27 janvier 2022, Monsieur Eric Zemmour, est assigné en justice par les sociétés Gaumont, EuropaCorp et le cinéaste Luc Besson, pour contrefaçon de leurs droits d’auteur. Effectivement, afin de clarifier sa candidature à la présidentielle de 2022, le candidat avait publié sur les réseaux sociaux un clip de campagne rythmé par l’utilisation de 114 images d’archives et extraits d’œuvres toutes protégées par le droit d’auteur.
Le consentement des titulaires de ces droits n’a pas été recueilli avant la publication de ce clip vidéo. Or, en application de l’article L335-3 du code de la propriété intellectuelle, toute reproduction ou diffusion d’une œuvre de l’esprit faite en violation d’un droit d’auteur constitue un délit de contrefaçon. C’est donc avec des arguments solides que les sociétés Gaumont, EuropaCorp et le cinéaste Luc Besson ont assigné en justice Monsieur Eric Zemmour pour contrefaçon de leurs droits d’auteur.
Il en est de même pour Madame Marine Le Pen qui a publié, le 15 janvier 2022, sur les réseaux sociaux son clip de campagne, filmé devant la Pyramide du Louvre à Paris. Aucune autorisation préalable n’a été demandée pour tourner ce spot. En conséquence, le musée du Louvre, en tant que cessionnaire exclusif de l’ensemble des droits patrimoniaux relatifs à la pyramide conçue par l’architecte Pei, a demandé le retrait immédiat de cette vidéo tournée en violation des règles de droit applicables en matière de domanialité publique et de propriété intellectuelle. La Pyramide du Louvre est une œuvre architecturale au sens de l’article L112-2 du code de la propriété intellectuelle, bénéficiant d’une protection au titre du droit d’auteur.
Cependant, l’article L122-5 du code de la propriété intellectuelle dispose en son point 11 que « lorsque l’œuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire les reproductions et représentations d’œuvres architecturales et de sculptures, placées en permanence sur la voie publique, réalisées par des personnes physiques, à l’exclusion de tout usage commercial. »
Pour le moment, seule une demande de retrait de la vidéo a été demandée par le musée.
La question qui se pose en l’espèce, est de savoir si une action fondée sur la contrefaçon d’un droit d’auteur sur une œuvre architecturale placée sur le domaine public aurait des chances succès. En effet, une campagne électorale ne semble pas pouvoir être qualifiée d’activité commerciale dans la mesure où il n’y a pas de but lucratif.
L’affiche de campagne électorale du parti les jeunes avec Macron, a suscité la même interrogation. Nous vous reportons sur ce sujet à notre article : « Quand la politique française s’inspire des codes Netflix ».[1]
Toutefois, reste la question de l’appropriation, sans autorisation, du domaine public. Les termes « domaine public » ne signifient pas qu’un bien appartient à tous, mais qu’il appartient à une personne publique. Il est tout à fait compréhensible que le musée du Louvre souhaite préserver la neutralité d’un lieu emblématique et éviter toute assimilation de ce lieu à un parti politique.
Discours de campagne et droit des marques
Madame Valérie Pécresse a au cours de sa campagne électorale utilisé le terme « Kärcher ». Il s’avère que ce terme est protégé à titre de marque. Le groupe allemand titulaire de la marque a publié un communiqué de presse pour demander à la candidate, ainsi qu’à l’ensemble des personnalités politiques et aux médias de cesser immédiatement tout usage de sa marque dans la sphère politique, en ce qu’un tel usage porterait atteinte à sa marque et aux valeurs de l’entreprise.
Pour rappel, l’article L714-6 du code de la propriété intellectuelle dispose qu’« Encourt la déchéance de ses droits le titulaire d’une marque devenue de son fait : la désignation usuelle dans le commerce du produit ou du service (…). » C’est ainsi, que des marques comme « botox », « nylon », « fermeture éclair » ou « pina colada » ont perdu leur caractère distinctif et sont devenues descriptives du produit ou du service qu’elles servaient à désigner. Après avoir constaté que ces marques étaient utilisées par les consommateurs au lieu et place du nom du produit ou du service lui-même, elles ont été déchues, perdant ainsi le monopole conféré par le des marques.
C’est donc bien en défense de ses droits de propriété intellectuelle que la société titulaire de la marque KärcherÒ ne cesse de rappeler par voie de communiqué de presse qu’il s’agit d’un terme protégé.
Pour plus de précisions sur le sujet vous pouvez consulter notre article « L’appellation d’origine protégée (AOP) « Gruyère », l’impossible protection aux États-Unis »[2].
En conclusion, au regard de ces atteintes, il est important lors de toute communication au public, y compris en matière de politique, de faire attention aux expressions, montages vidéo, monuments photographiés que l’on utilise, afin de ne pas porter atteinte à des droits de propriété intellectuelle appartenant à des tiers. De nouveau, le propos est de sensibiliser nos lecteurs à ces questions en démontrant que la propriété intellectuelle est omniprésente dans notre vie quotidienne.
[1] https://alatis.eu/actualites/politique-francaise-sinspire-codes-netflix/
[2] https://alatis.eu/actualites/appellation-dorigine-protegee-gruyere/