Qui ne connait pas de nom ou même pour l’avoir déjà gouté, la sauce Nuoc Mam ?

La protection des indications géographiques au Vietnam

Le Nuoc Mam cette spécialité culinaire du Vietnam, faite à partir de saumure de poisson, est le témoin  même de la volonté des pays émergents, tels que le Vietnam, de protéger leur patrimoine agricole et alimentaire.

La protection juridique des produits en fonction de leur origine de production ou de leur lieu de transformation existe depuis longtemps. Dans les pays développés et essentiellement dans les pays européens, les outils de protection géographique (comme les labels AOC, AOP..) se sont imposés tandis qu’aux États-Unis, c’est la protection par la marque qui domine.

Toutefois, ces outils diffèrent en ce que les marques permettent d’identifier via une dénomination, un logo ou un slogan, la personne (physique ou morale) à l’origine d’un produit ou d’un service.

A contrario, l’indication géographique est utilisée pour signifier l’origine géographique d’un produit et caractériser le produit comme possédant des propriétés ou des qualités en lien avec les traditions propres à ce lieu géographique déterminé. L’indication géographique est donc en lien très étroit avec une collectivité territoriale en ce qu’elle appartient à une région donnée et ne pourra pas s’en détacher. Ainsi, Seules les personnes ou les organisations se trouvant dans cette région pourront utiliser l’identification géographique pour désigner un produit élaboré selon les règles locales.

A côté de l’application du système des marques qui existe depuis l’introduction de la loi de 1996 sur la Propriété intellectuelle, le gouvernement vietnamien y a ajouté en 2005 la protection de l’indication géographique.

Bien que le premier texte sur la propriété intellectuelle aborde déjà sommairement la notion d’appellation d’origine, ce n’est donc qu’une dizaine d’années plus tard que le Vietnam, du fait de son entrée dans l’OMC, a révisé ses lois relatives à la propriété intellectuelle afin de se conformer aux dispositions ADPIC.

C’est donc dans la loi de 2005 que l’on retrouve l’arsenal juridique dédié aux indications géographiques.

Aux articles 79 à 83 il est précisé que, pour être admise, une indication géographique doit satisfaire à deux conditions préalables :

En premier lieu, le produit doit être originaire d’une zone géographique donnée pouvant être une région ou bien une localité.

En second lieu, ce produit doit posséder « une réputation, des qualités ou des caractéristiques » essentiellement attribuables aux conditions géographiques de la zone.

Les article 81 et 82 décrivent quant à eux, les moyens dont disposent les experts pour déterminer si le produit rentre bien dans le cadre de la protection par une indication géographique.

Ainsi, les normes applicables sont à la fois qualitatives et quantitatives et les qualités et caractéristiques doivent être certifiées par des données scientifiques et techniques, bien que la production de preuves scientifiques reste optionnelle.

En revanche, en ce qui concerne le critère de réputation, ce qui est surprenant est la subjectivité des méthodes d’appréciation de la notoriété du produit.

Plus précisément,  la réputation du produit est établie en lien avec la confiance et la connaissance des consommateurs sur le produit. (article 81 de la loi sur la propriété intellectuelle de 2005).

Le thé San Tuyêt de Môc Châu (province de Son La, nord du pays) et le Nuoc Mam (saumure de poissons) de Phu Quôc (province de Kiên Giang, sud du pays) ont donc été les deux premiers produits à recevoir, en 2010, une indication géographique au Vietnam (la sauce de poisson Nuoc Mam étant le seul produit vietnamien à avoir été enregistré en 2012 auprès de l’UE par une indication géographique).

Depuis, 45 autres produits locaux ont été protégés par une indication géographique au Vietnam. Ainsi peut-on noter l’inscription en 2010 de deux produits qui ne sont pas des denrées alimentaires : le chapeau conique Non Lâ en feuille de lantanier, typique de la ville de Hué et le tabac Nicotiana rustica de Tien Lang.

Liste des produits enregistrés sous IGP au Vietnam

Toutefois, cette indication géographique est plus destinée à assurer une forme de publicité au produit qu’une véritable protection juridique.

Cependant, le 25 février 2017, un accord de libre-échange entre le Vietnam et l’Union Européenne a été signé qui entrera en vigueur en 2018.

Cet accord impose de déclarer auprès des instances Européennes l’origine géographique de 39 produits sélectionnés par les autorités vietnamiennes. Seuls les produits qui recevront une indication géographique protégée (IGP), pourront pénétrer le marché intérieur.

39 produits vietnamiens sont ainsi actuellement en attente d’une indication géographique accordée par l’UE. Parmi ces produits, on trouve du thé, du café (le Vietnam est le 2° producteur mondial), de nombreux produits aquatiques ou bien encore des fruits et légumes comme les fruits du Dragon ou Pitaya.

Si dès 2018, ces produits pourront être protégés dans l’UE, le Vietnam doit cependant, dans le cadre de cet accord de libre échange, durcir en contrepartie sa procédure de contrôle, notamment, vis-à-vis de la contrefaçon.

En effet, comme les entreprises vietnamiennes n’ont pas encore le réflexe de protéger et de valoriser leurs produits, la principale difficulté vient bien des imitations nombreuses qui ne peuvent être ni surveillées, ni sanctionnées.

Parallèlement, certains produits Européens sont désormais protégés au Vietnam.

Il faut citer, notamment, le Roquefort, le Scotch Wisky, le Cognac et le Pisco du Pérou.

Mais le plus surprenant, reste l’absence de protection par une indication d’origine du produit vietnamien le plus connu au monde, à savoir le Nem ou cha gio.nems à la sauce nuoc mam

En effet, il n’y a pas de produit plus réputé que cet exquis petit rouleau frit constitué de viande locale, de soja et d’aromates qui se consomme avec une sauce Nuoc Mam. C’est pourtant un produit qui remplit toutes les conditions pour être protégeable par une indication géographique car les nems sont des produits issus de la cuisine traditionnelle vietnamienne et dont les caractéristiques résultent d’un savoir-faire culinaire local et ancestral.

C’est peut-être là l’un des paradoxes de la culture vietnamienne !…

Joséphine Busnel,
Master 2 en droit des affaires internationales, Université de Paris II, Panthéon-Assas et UEL de Ho Chi Minh.

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